Présidentielles américaines: Le regard de M. Parent sur les retombées économiques de la victoire de Trump

11 novembre 2016 ,

Jean-François Parent, l’animateur de Rendez-vous avec l’économie, une émission hebdomadaire sur l’économie locale et régionale sur CHOQ FM 105,1 nous livre son regard sur les retombées des résultats des présidentielles américaines de 2016. Entretien mené par Elvis Nouemsi.

Pour plusieurs,  la victoire de Donald Trump n’était pas attendue. Comment nos économistes accueillent-ils cette victoire ?
Il est important de se rappeler tout d’abord que la grande majorité des sondages prédisaient une victoire incontestable de la candidate Clinton. L’annonce de la victoire de Trump fut donc indubitablement un choc ressenti par les observateurs du monde de la finance. Wall Street avait ouvertement soutenu la candidature d’Hillary, ce qu’ils considéraient comme un gage de stabilité. Après tout, les marchés financiers recherchent toujours la stabilité dans un système politique donné.

L’annonce de la victoire du candidat républicain vient profondément affecter la stabilité du pays, ce qui, on l’a vu, a entrainé une dévaluation des marchés et du cours de plusieurs monnaies, dont le dollar canadien. Et bien que la bourse de New York se soit stabilisée à la mi-journée suite à l’élection le 9 novembre dernier, les répercutions se font toujours ressentir.

Sur les marchés canadiens, on se pose toujours des questions sur la postérité.

 

Qu’est-ce qui justifiaient les espoirs portés par Madame Clinton ? En quoi son profil présentait-il un gage de stabilité pour l’économie Américaine ?
Madame Clinton souhaitait continuer plusieurs des initiatives, des politiques et des executive orders de l’ère Obama. Cette continuité assurait en théorie un paysage économique stable et graduellement remontant la pente depuis la crise de 2008.

Son accord avec les principes de l’ALÉNA, son ouverture avec les ententes de partenariats stratégiques avec le Canada, sa volonté de renforcer les secteurs de l’énergie et de la finance, étaient gages certes d’une pérennité et d’une continuation du contexte économique qui prévalait avant les élections. La prédictibilité est après tout l’un des aspects sur lesquels l’économie repose. Trump vient tout changer cela.

 

Quels sont les changements à court et moyen terme auxquels on peut s’attendre dans la politique économique américaine ?
L’orientation politique de Trump semble présager certains changements de donnes : la renégociation des accords de l’ALÉNA, la suppression du partenariat trans-pacifique (TPP), l’isolationnisme des marchés et des investissements, une position plus agressive envers des partenaires économiques majeurs tels que la Chine, la baisse des revenus de l’État par la baisse des impôts fonciers et des taxes, la renégociation de plusieurs partenariats internationaux, la réévaluation de certains accords spécifiques, tels qu’avec l’Iran sur le nucléaire, ou encore le partenariat transatlantique avec l’Union européenne, et j’en passe.

La plupart des économistes sont d’accord pour affirmer que ces mesures seraient nuisibles à l’économie Nord-Américaine, selon des rapports de plusieurs analystes financiers.

Nous en avons constaté également les conséquences dans les premiers jours suivant l’élection de Trump : dévaluation du cours du dollar canadien, du peso mexicain et du yen japonais, la possibilité d’une révision du taux directeur par la réserve fédérale, etc.

Il n’est pas loufoque de s’inquiéter de la situation.

 

Compte tenu de la campagne de Trump et de sa position sur la question des accords commerciaux entre les Etats-Unis et ses partenaires internationaux, faut-il s’attendre à de grands bouleversements, surtout dans le cadre de la  renégociation de certains accords ? Si oui, vers quels types d’ententes  irait Trump ?
Très certainement, sauf si les conseillers de Trump s’opposeraient à de telles renégociations. Et il ne faut pas oublier que le Congrès (et une bonne partie du parti républicain) est plutôt en faveur de l’ALÉNA et de certains partenariats stratégiques en cours. Trump devra convaincre ainsi la Chambre des représentants du bienfondé de ses positions, ce qui semble une tâche impossible, compte tenu des impacts plutôt négatifs que de telles actions pourraient engendrer.

Certes, d’autres accords, comme ceux avec l’Iran, Cuba, l’Union européenne, la République de Corée et le Japon sont également en danger. Le type d’entente envisagé par la future administration Trump : tout au profit de la nation américaine, et des positions de type gagnant –gagnant. Toutefois, ce type d’accord risque de ne pas tenir la route, compte-tenu des différents contextes prévalant à travers le monde. Obama avait réussi plusieurs tours de main dans sa politique étrangère et économique. Trump risque fort bien de ne pas être aussi chanceux, pour ne pas dire compétent.

 

Pensez-vous les mesures annoncées par Donald Trump susceptibles de redresser l’économie américaine et aptes à redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes de son pays ?
Absolument pas. Les mesures annoncées par le candidat-élu reflètent un discours idéologique néolibéral qui est loin de la réalité des marchés et de la situation des classes moyennes. Le fondement de sa politique repose sur la vente de l’idée de redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes afin de stimuler l’économie, mais ce en prenant des mesures drastiques : l’élimination de certaines taxes (ce qui impliquera la coupure de plusieurs programmes gouvernementaux), l’abolition de certains traités (ce qui renforcera l’isolationnisme sur le plan du commerce extérieur), l’attaque en justice de plusieurs entreprises qui manufacturent leurs biens à l’étranger (ce qui causera la fuite de certains capitaux), la cessation de plusieurs accords (ce qui renforcera l’isolation sur le plan financier), la coupure de liens avec le Mexique (ce qui influera sur les biens manufacturiers et sur les transferts de capitaux et de main d’œuvre), la proposition de moyens légaux envers la population immigrante (ce qui influera sur une bonne part de la population américaine), etc.

Toutes ces mesures risquent de nuire à l’économie de la nation américaine, et de fragiliser leur positionnement stratégique. De telles mesures risquent fortement de nuire à plusieurs segments de la société.

 

Les relations bilatérales entre le Canada et les Etats-Unis pourraient-elles être affectées par cette victoire ?
Le gouvernement Trudeau a déjà manifesté dans un communiqué son souhait de collaborer de façon rapprochée avec une future administration Trump malgré la différence idéologique sur certains dossiers économiques, commerciaux et diplomatiques.