Abel Maxwell: L’art est une panacée contre le racisme

08 juillet 2020

 

 

 

 

 

 

 

Suivant les déferlements de protestation à travers le monde
dans le sillage du décès de George Floyd aux Etats-Unis, 
une prise de conscience collective a secoué l’humanité
de son mutisme, contraignant des milliers de personnes tous
azimuts à se mobiliser, dans les rues ou à travers leurs claviers,
pour exprimer leur profonde indignation face aux brutalités
policières dont le jeune américain a fait l’objet et plus largement,
au racisme systémique anti-Noirs.  Alors que la discussion se
poursuit dans l’espace public, Abel Maxwell, leader communautaire
franco-torontois et artiste engagé, tient à rappeler la centralité
des arts dans la lutte contre le racisme. Entrevue par Zaahirah Atchia

 

Selon vous, quelle est la fonction principale de l’art dans
notre société ?
L’art est un vecteur de paix pour l’humanité à mon sens ; il joue un
rôle primordial : celui de fédérer les humains sur les valeurs qui les
rassemblent et non sur ce qui les divisent.

Quelle devrait être la vocation de l’art quand la société
va mal?
La vocation de l’art a toujours été d’adoucir les mœurs et d’exprimer
les choses au-delà des mots et de tout ce qui est ordinaire. L’art nous
permet d’apporter une lumière positive sur la vie. Il est, au mieux,
une panacée pour guérir des maux de sociétés.

Est-il possible d’être un artiste engagé au Canada en 2020,
sans compromettre son avenir professionnel dans le
milieu corporatif ou même communautaire ?
La pandémie du racisme est une pandémie qui existe depuis plus
longtemps que celle de la COVID-19. A mon humble avis, le rôle d’un
artiste est d’exprimer tout ce qui touche l’humain dans le but de
rehausser ses esprits, de lui offrir une ascèse mentale, afin de
l’encourager à célébrer les valeurs universelles qui nous unissent.
Je crois fondamentalement qu’un artiste possède  la licence de
s’exprimer librement par le truchement de son art, que ce soit
dans un but engagé ou simplement pour émouvoir son public.
Ainsi, l’art peut être un exutoire ou une occasion d’éduquer
ou d’attirer l’attention sur ce qui dérange l’humanité. Pour moi
c’est l’audience qui peut déterminer si l’impact d’un artiste est réel.
Sa réussite en dépend.

Quel est votre ressenti face aux protestations anti-racistes
qui se multiplient dans le monde ?
Je pense qu’il est important d’aborder cette discussion difficile sur
le racisme systémique parce qu’il est réel. Les protestations ont pris
plusieurs formes mais pour ma part, c’est en engageant des discussions
à tous les niveaux de notre société (de la maternelle aux postes d’autorités)
et en les conjuguant avec des mesures concrètes sur la durée, que
le respect de la dignité sera rétabli. Le racisme systémique est
insidieux et caché ; il cause beaucoup de tort sur des générations ;
il est temps que nous travaillions ensemble pour le limiter le plus
possible. Pourtant les brutalités policières et le racisme antinoir
ne datent pas d’hier.

Qu’est-ce qui a provoqué une mobilisation aussi importante
à travers le monde suivant le décès de George Floyd ?
Je pense qu’au moment où l’humanité souffre des conséquences de
la pandémie du COVID-19, la pandémie du racisme antinoir est la
proverbiale goutte d’eau qui fait déborder le vase. C’est la première
fois que je vois une mobilisation aussi considérable ; en fait, c’est
la race humaine qui est en danger à cause de l’ignorance et des
mensonges perpétrés dans l’histoire des Noirs. Nous avons du
travail sur la planche pour rétablir la véritable histoire afin de
fédérer un réel respect des autres et surtout de l’héritage des
personnes d’ascendance africaine.

Est-ce que le discours politiquement correct exacerbe
le racisme déguisé au Canada ?
Au Canada le racisme est subtilement caché mais il est quand
même ressenti. Je crois que nous sommes à l’aube d’une ère de
conscientisation générale qui va porter des fruits. La route est
encore longue mais en continuant la lutte pour l’égalité et la dignité
humaine, nous finirons par y arriver. Si notre génération n’en
bénéficie pas totalement, alors ce sera pour les générations futures.
En tous cas, c’est le but ultime visé.

Comment est-ce que l’art – notamment la musique et
la littérature – peuvent changer la donne en 2020 ?
Je pense que nous sommes dans une époque où le télétravail est
devenu une nécessité pour plusieurs organismes et surtout qui
sont à vocation éducatives. Tous les jeunes ont accès à l’information
à partir de leur téléphone ou leur tablette donc la lecture et la musique
sont beaucoup plus accessibles pour façonner leurs esprits et
les éduquer sur les valeurs humaines et stimuler leur respect.
La musique et la littérature sont nécessaires mais il ne faut pas
négliger les nouvelles formes de communication, à l’instar des
vidéos et des médias sociaux à travers lesquels on peut transmettre
des messages constructifs à la jeunesse. Il faut produire de plus en
plus de contenu afin d’influencer positivement notre génération et
les prochaines.

Dans votre double rôle de leader communautaire et d’artiste
francophone engagé, avez-vous été témoin ou victime
de racisme au Canada ?
Oui bien-sûr, je ne pense pas qu’il y ait une personne de race
noire qui n’en a jamais vécu personnellement ou connu par
procuration- soit à travers l’expérience d’un proche. Le racisme
systémique a limité l’accès à plusieurs opportunités donc nous
devons toujours travailler plus fort que les autres. L’aspect positif
de cette situation, si on peut se permettre cette formule, est qu’elle
a renforcé notre résilience, accentué notre persévérance et consolidé
notre courage. C’est dans cette perspective que j’ai réuni toute une
équipe de production pour la réalisation de mes chansons
« Never Give Up » et « Courage » par exemple.

Comment est-ce que les autorités gouvernementales
pourraient bonifier leurs stratégies en matière de lutte
contre le racisme systémique ?
Je pense que ce travail est en train de se mettre en place ; je participe
régulièrement à des discussions sur des stratégies à mettre en place
pour l’égalité des chances.  À cet effet, un comité sur l’égalité des chances
du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford est en train de se mettre en
place et aussi le premier ministre du Canada, Justin Trudeau stimule
la création de programmes et des fonds au bénéfice des communautés
défavorisées. Ainsi, il y a de l’espoir mais il ne faut pas baisser les bras.
La lutte contre le racisme systémique continue.

Auriez-vous un message pour les lecteurs du GrandToronto.ca ?
Je remercie tous ceux qui me suivent pour leur support et leur présence sur
les médias sociaux. C’est mon anniversaire  le samedi 11 juillet prochain.
D’ailleurs, je vous reserve une surprise sur Facebook ce jour-là! Je vous
invite à vous connecter !

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Biographie
Arrivé il y a une dizaine d’années en Amérique du Nord
sans argent et sans emploi, Abel Maxwell est devenu un artiste
reconnu sur la plate-forme artistique internationale en tant
que et auteur bestseller qui inspire les jeunes à croire
en eux-mêmes et en leur capacité de faire une différence
tout en conservant un regard optimiste sur l’avenir de l’humanité.